« Le nouveau roman africain est celui de l’indécision, de l’errance et de la rupture.» Montrez si cette affirmation est conforme aux réalités de l’Afrique des indépendances
Skaylab
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Traité
Chaque fois qu’un peuple tourne une page de son histoire, il tourne également une page de sa littérature car, la littérature est le reflet des réalités politiques, économiques, sociales et culturelles de chaque entité sociale. Ainsi l’accession des pays africains à l’indépendance a eu sur la littérature de profondes mutations sur plusieurs plans qui demeurent perceptibles à travers les œuvres romanesques produites au cours de cette période. D’où la place pour cette affirmation : « Le nouveau roman africain est celui de l’indécision, de l’errance et de la rupture » En quoi le nouveau roman africain se présente t-il ainsi ? Cette affirmation est-elle justifiable ? La réponse à ces différentes questions se trouvera dans l’analyse de quelques œuvres produites au cours de cette période.
En effet, la littérature est la production de la civilisation et le garant d’un peuple, car si l’histoire est le récit des événements du passé, la philosophie l’étude des grands problèmes de la vie, la sociologie étudie l’homme dans ces relations avec les autres, la littérature quant à elle, étudie l’homme. Ce qu’il est et ce qu’il doit être. C’est pourquoi Heniot Edouard affirme que: « La littérature est la définition, la fixation de l’homme et l’exposition d’une société. » Ainsi celle africaine des indépendances est la peinture des réalités politiques, économiques, sociales et culturelles du continent en pleine période de souveraineté. Elle a été le théâtre de nombreux changements relatés dans les romans. C’est pourquoi les nouveaux romans présentent des caractéristiques communes qui déterminent leur particularité par rapport aux anciens romans (ceux de la colonisation). Il s’agit de l’indécision parce qu’il n ya pas aujourd’hui une entente parfaite entre les auteurs autour d’un même thème comme ce fut le cas de la négritude hier d’une part. De l’autre, on rencontre dans les œuvres publiées aujourd’hui, des personnages perplexes ou indécis comme Fama de Horodougou dans ‘’Les soleils des indépendances’’ d’Amadou Kourouma, Perpétue dans ‘’Perpétue et l’habitude du malheur’’ de Mongo Béti, Djouldé des ‘’Crapauds brousse’’ de Thièrno Monenembo. Il y en a (des auteurs) qui repassent sous une plume et critiquent l’image trop idyllique de l’Afrique longtemps présentée par la négritude. Ils font de la tradition, leur véritable source d’inspiration comme Yambo Ouologuèm dans ‘’Le devoir de violence’’, Olympe Bhêly Quénum dans ‘’L’initié’’, Nafissatou Diallo dans ‘’Le fort maudit’. D’autres préfèrent parler de leur problèmes personnels comme dans ‘’Une si longue lettre’’ de Mariama BA, ‘’Je ne suis pas un homme libre’’ de Peter Abrahams, ‘’On m’a volé mon enfance’’ de Diaryatou Bah.
Egalement, d’autres écrivains romanciers se donnent pour vocation la contestation. C’est le cas d’Amadou Kourouma dans ‘’les soleils des indépendances’’, de Fantouré dans ‘’Le cercle des tropiques’’
En outre, le roman d’aujourd’hui est une œuvre d’errance en ce sens qu’il nous présente l’image des personnages principaux qui sont en perpétuel déplacement ou forcés à se déplacer car victimes de la dictature et tout ses corollaires. Ils sont tous alors en quête du bonheur, de paix ou encore d’une identité culturelle comme Bohidi dans ‘’Le cercle des tropiques’’, Ibrahima Dieng dans ‘’Mandat’’ de Sembene Ousmane, Bohidi du ‘’Cercle des tropiques’’.
Le nouveau roman est enfin une œuvre de rupture, car il change non seulement de public cible en donnant une place à l’écriture féminine, mais aborde une multitude de thèmes comme la corruption, la gabegie financière, le népotisme, la dictature, le détournement, l’injustice sociale, les arrestations arbitraires et tant d’autres contrairement à celui de la période coloniale qui se fixait sur la revalorisation de l’authenticité culturelle et la dénonciation des abus et tares du système colonial, d’où le renouvellement de la thématique. Il faut retenir qu’il est aussi un roman de rupture parce qu’à cette époque, les écrivains pour coloniser la langue française et se faire bien comprendre du public, vont rompre avec les normes et principes de la dite langue en africanisant leurs œuvres par l’utilisation des expressions nationales. Raison pour laquelle Thièrno Monenembo affirme : « Je ne suis pas partis l’à chercher, elle est venue me trouvé dans mon village. Si hier elle m’a colonisé, aujourd’hui je la colonise »
Ainsi beaucoup d’expressions comme : Il y avait une semaine qu’avait fini dans la capitale Koné Ibrahima, de race malinké ou disons le en malinké, il était dans sa peau de prière, gnamôkhôden, l’heure de la prière te passera ou encore le choix de ces noms de personnages comme Fama, Salimata, Djouldé, N’dourou wembidou, Gnawoulata, Oumou thiaga, Bohidi, Benna, N’fantouré… sont accoutumés. Signalons également que la poésie qui était le genre privilégié de la littérature coloniale (négritude) a dû céder sa place au roman, au théâtre et même au cinéma.
Pour clore, retenons à la lumière de tout ce qui précède que la littérature étant intimement liée à la vie socio-historique, les œuvres publiées sous l’ère des indépendances sont en général caractérisées par l’indécision, l’errance et la rupture, car elles font la peinture des réalités fâcheuses de l’Afrique indépendante qui a déçue et conduit le peuple au désenchantement, à la désillusion et au désespoir. Le roman est-il le moyen le plus achevé pour l’exposition des réalités d’une société ?